2017-07-04

 

S'enrichir en dormant dans la science-fiction

On attribue parfois à H. G. Wells la paternité d'un concept devenu classique dans la science-fiction du vingtième siècle, soit celui du voyageur temporel qui en sautant dans l'avenir s'enrichit immensément parce qu'il a eu la prévoyance de placer une petite somme dans un instrument d'épargne qui porte intérêt.  Grâce aux intérêts composés, la petite somme se transforme en fortune.  Par exemple, James Gunn le décrit ainsi, dans The Science of Science Fiction Writing (2000) :

« When the Sleeper Wakes [Quand le dormeur s'éveillera] owes so much to the tradition described in the title that the mechanism becomes unimportant; it was a hoary convention even then.  What Wells added was the concept that the Sleeper's fortune had grown over the centuries until he owned half the world; trustees act in his name to oppress the workers into the Labour Company.  Harry Stephen Keeler used a similar notion in a 1927 story, "John Jones' Dollar," in which a single dollar grows by compound interest over the centuries to exceed the value of the solar system. »

Dans la production wellsienne, on peut retracer la genèse de When the Sleeper Wakes jusqu'aux années 1897-1898 quand, à la publication de la nouvelle « A Story of the Days to Come », succède le début de la parution du roman en feuilleton dans The Graphic.  Toutefois, l'idée de l'enrichissement obtenu par un personnage arrivé dans son propre futur remonte plus loin.

Dans la proto-science-fiction francophone, elle est clairement exposée dans le roman L'Homme à l'oreille cassée (1862) d'Edmond About.  Le colonel Fougas, ressuscité d'une dessication salvatrice, apprend qu'il est millionnaire :

« Vous ne savez pas encore tout ce que vous lui devez.  Il vous a légué, en 1824, une fortune de trois cent soixante-quinze mille francs, dont vous êtes le légitime propriétaire.  Or comme un capital placé à cinq pour cent se double en quatorze ans, grâce aux intérêts composés, vous possédiez, en 1838, une bagatelle de sept cent cinquante mille francs, en 1852, un million et demi.  Enfin, s'il vous plaît de laisser vos fonds entre les mains de M. Nicolas Meiser, de Dantzig, cet honnête homme vous devrz trois millions au commencement de 1866, ou dans sept ans. »

Je n'affirmerai pas que c'est l'origine de l'idée, mais elle est claire et a son importance dans l'intrigue. 

En guise de conclusion, il convient de noter que H. G. Wells (1866-1946) aurait pu la découvrir dans le roman d'About, car celui-ci a été traduit et publié en anglais aux États-Unis en 1872-1873.  Pas par n'importe qui, d'ailleurs, mais par Henry Holt, le co-fondateur d'un empire de l'édition qui existe encore, Henry Holt and Company.  Et The Man With the Broken Ear incorpore bel et bien le passage que je cite ci-dessus...

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