2014-10-16

 

Mercure, Ptolémée et la solitude de l'humanité

Il y a deux ans, la NASA rapportait que les observations de la sonde MESSENGER tendaient à confirmer l'existence de dépôts de glace (d'eau) dans les zones ombreuses de cratères polaires de la planète Mercure, un monde exposé de plein fouet au rayonnement solaire — à tel point que les températures peuvent atteindre les 430 degrés Celsius à la surface.  Dans ces conditions, que signifie la présence probable de cette glace ?

D'abord, que la rotation et la révolution de Mercure ont été d'une stabilité exemplaire durant des périodes si longues qu'elles défient l'imagination humaine.  Puisque la présence de ces gisements glacés est imputée aux impacts répétés de comètes et d'astéroïdes en composés organiques volatils qui auraient dispersé de l'eau et des composés organiques sous forme de gaz dont une infime fraction aurait trouvé à se condenser en aboutissant dans l'ombre des remparts de cirques et cratères polaires, il a fallu des événements relativement rares qui se sont reproduits sur des millions d'années.  Ou sinon un impact exceptionnel d'un astéroïde ou d'un noyau de comète si massif qu'il a pu contribuer une quantité importante d'eau à l'environnement mercurien, mais qui devrait remonter à au moins cinquante millions d'années, selon les calculs.

Quand les anciens Grecs, de Platon à Ptolémée, soutenaient que les sphères supralunaires appartenaient à une partie du monde caractérisée par l'immuabilité (alors que les sphères sublunaires qui constituaient la Terre subissaient des changements continuels), ils ne se trompaient pas de beaucoup.  Si de la glace a perduré sur Mercure, c'est parce qu'aucune catastrophe (éruption solaire gigantesque, supernova voisine, impact planétaire qui aurait changé l'inclinaison de l'axe de rotation de Mercure) n'a altéré les conditions qui président à l'accumulation de ces atomes d'eau et de composés volatils.  Quand on essaie de se représenter les millions d'années en cause, les dizaines de millions d'années durant lesquelles le Soleil a toujours brillé au ras des montagnes élevées par un impact d'astéroïde il y a des milliards d'années, à l'aube de l'histoire du système solaire, on n'échappe que difficilement au vertige pascalien.  Certes, la forme de l'orbite de Mercure est soumise à un changement régulier (la précession du périhélie) que la relativité générale d'Einstein permet de calculer et d'expliquer, mais ceux-ci n'ont pas modifié la géométrie de l'éclairage du Soleil au ras des pôles de la planète.

Ces observations nous renseignent peut-être aussi sur la pluralité des intelligences dans l'Univers et donneraient une force encore plus grande au paradoxe de Fermi.  Si l'eau nécessaire à la vie est relativement abondante dans le système solaire à partir de la Terre, elle est beaucoup plus rare à proximité du Soleil, aux abords de Mercure et Vénus.  La présence de glace aujourd'hui signifierait donc que des visiteurs extraterrestres n'auraient pas eu l'occasion, depuis des millions d'années, d'exploiter ces gisements, du moins à grande échelle.  Ce qui imposerait quelques contraintes sur les caractéristiques d'éventuels visiteurs : soit qu'ils n'auraient pas eu un grand besoin d'eau, soit qu'ils seraient restés à l'écart de Mercure, soit qu'ils ne se présenteraient que tous les cent millions d'années ou plus...

Libellés : , ,


Comments:
Et comme la science ne cesse de bouger, la sonde MESSENGER vient de transmettre des photos directes de la glace dans certains cratères près du pôle nord de Mercure. L'article mentionne que la glace serait relativement récente et ne serait pas là depuis des milliards d'années, comme sur la Lune peut-être, mais le journaliste ne cite pas de chiffres précis...
 
Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?