2013-03-21

 

Les cliques québécoises

Le départ du directeur général de Montréal, Guy Hébert, a permis à La Presse de rappeler la succession de directeurs généraux depuis 2001 et la création du Grand Montréal né des fusions.  Si Guy Hébert était, au moment de sa nomination en janvier 2012, foncièrement un apparatchik municipal dont la carrière avait culminé avec son passage à la tête de la Société d'habitation et de développement de Montréal, plusieurs de ses prédécesseurs étaient de purs produits de Québec Inc., voire du modèle québécois issu de la Révolution tranquille.

Le premier, Guy Coulombe, a monté rapidement en grade pour occuper le poste de secrétaire général du Conseil exécutif, au tout sommet de la fonction publique québécoise, sous les gouvernements Bourassa et Lévesque au milieu des années soixante-dix.  Il dirige ensuite la Société générale de financement (création de la Révolution tranquille auparavant rêvée par l'Ordre de Jacques-Cartier), puis Hydro-Québec, la Sûreté du Québec et la ville de Montréal.

Deux autres « Hydro-Québécois » prennent la relève successivement, André Delisle exerçant la fonction à titre intérimaire jusqu'à l'arrivée de Robert Abdallah, un ancien collègue à Hydro-Québec avec qui il refuse de collaborer.  Après Abdallah, mis en cause par la commission Charbonneau, c'est au tour de Claude Léger, ancien directeur-général de Longueuil, la Communauté urbaine de Montréal et Montréal-Est.

Rachel Laperrière, une fonctionnaire municipale qui a œuvré pour les Métiers d'art du Québec et le Cirque du Soleil, assure la transition jusqu'à l'arrivée de Louis Roquet, ex-PDG d'Investissement Québec et de la SAQ.  Elle l'assure de nouveau jusqu'à l'arrivée en poste de Guy Hébert, qui aurait édulcoré certaines des réformes mises en place de concert par Laperrière et Roquet pour resserrer la gestion des contrats.

D'une part, on ne peut qu'être impressionné par le cursus de plusieurs de ces directeurs-généraux.  D'autre part, cela ne rend que plus inquiétant leur aveuglement ou leur tolérance d'un système de collusion et de corruption qui remontait au moins au siècle dernier.  La plupart n'ont rien vu, rien fait.  Ils ont paré au plus pressé ou ils ont laissé faire.

Cela pourrait-il s'expliquer par le vivier restreint dont ils proviennent?  Pour l'essentiel, ils émanent des gouvernements municipaux de la région montréalaise, du gouvernement provincial ou des créatures du gouvernement provincial, dont Hydro-Québec, la SGF et Investissement Québec.  Le parcours le plus atypique est celui de Rachel Laperrière, qui fait partie des moins suspectées (et qui serait devenue sous-ministre du gouvernement provincial actuel, illustrant de manière flagrante la circulation en boucle fermée des privilégiés de ce milieu), mais personne dans cette liste ne provient du secteur privé ou du gouvernement fédéral, par exemple.  Ou de l'étranger, a priori.

Du coup, on peut s'interroger sur les réflexes qui prévalent dans ces milieux de travail — gouvernement provincial, Hydro-Québec, etc. — et qui entraîneraient un refus d'ouvrir les yeux, d'exiger ou d'agir.  Parce qu'il serait plus confortable de laisser ses collaborateurs faire leurs petites affaires, dans leur coin, et de continuer à gravir les échelons.  Fermer les yeux, refuser d'entendre, accepter les droits acquis et les situations qui perdurent, ne pas s'immiscer dans les agissements des cliques (patronales ou syndicales) qui font régner leur loi, pourtant, ce n'est pas de la sagesse, mais de la lâcheté.

Surtout que si tout éclate au grand jour, le moment venu, c'est tout le monde qui est éclaboussé.  Enfin...  tout le monde qu'on a fait entrer dans le jeu, ce qui, pour l'instant, implique à peu près tout le monde au Québec hors du milieu fédéral.

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