2012-01-04

 

À la découverte d'une autre humanité

Avec Les Chinoises (Vents d'Ouest, 2011), Renaud Bouret livre un roman que la quatrième de couverture qualifie d'autobiographique. Il se met en scène lui-même sous son nom chinois de Bái Lìdé, mais il est permis de douter de la véracité de l'aventure qu'il raconte. À la faveur d'intrigues secrètes opposant un haut fonctionnaire et un riche entrepreneur de la nouvelle Chine, le protagoniste du récit a l'occasion de se rapprocher de trois jeunes Chinoises, aussi jolies qu'émouvantes. Même s'il se présente comme un séducteur, Bouret n'est pas exactement un Casanova. Plutôt un homme qui, pour tomber plus vite sous le charme des femmes qu'il rencontre, n'hésite pas à rechercher leurs faveurs. Un cercle vertueux alimenté par un peu de flatterie, un peu de fourberie et beaucoup d'admiration authentique ouvrant la voie à la tendresse partagée. Ce n'est pas si souvent qu'il se retrouve au lit avec ses flammes, mais Bái Lìdé est un romantique sincère, qui chérit aussi bien les moments de passion que les confidences spontanées et les fugaces instants d'abandon. Le rôle joué par notre homme, en grande partie à son insu, lui vaut de bousculer les arrangements en sous-main entre le vice-maire de Moucheng et l'entrepreneur Pan-Les-Gros-Sous tout en révélant l'existence d'un manuscrit chinois attribuant la formulation d'une théorie héliocentrique à un savant chinois, des siècles avant Copernic (mais pas avant Aristarque). Bái Lìdé joue le rôle du benêt instrumentalisé par la jolie Meïdaï pour sauver la non moins jolie Océane, mais il est plus ou moins consentant, car c'est la clé de l'aventure dont il goûte les péripéties.

Le tout est narré avec esprit. L'auteur commence par égrener les souvenirs de ses rencontres de hasard avec Meïdaï, puis Océane, avant de sauter quelques années pour entamer le récit de l'aventure principale. Il en profite pour citer au passage des dictons de la sagesse populaire chinoise. Certains sont familiers, d'autres moins. La relation de quelques incidents de la vie quotidienne en Chine dressent un portrait nuancé de la société actuelle, des appartements minuscules partagés par deux ou trois colocataires à l'inventaire des salles de bains défectueuses des auberges populaires. Le voyageur s'expose naturellement à des quiproquos et des malentendus, mais la Chine est rarement cruelle, même pour le laowai étranger. Bái Lìdé découvre plutôt la fraternité des pauvres et des minorités nationales. Comme il le souligne, les problèmes matériels trouvent en Chine des solutions qui passent souvent par la solidarité ou l'entraide — ce qui implique que les solutions matérielles aux problèmes de la pauvreté entraînent forcément un appauvrissement des liens sociaux.

Les aventures de Bái Lìdé prennent fin d'une manière typiquement chinoise, quand des hauts responsables règlent les cas du vice-maire et de l'entrepreneur en alignant les proverbes et les formules toutes faites. La scène est savoureuse, mais elle ne se veut pas sérieuse. On peut en dire autant du roman, dont c'est le principal agrément : tout en nous offrant un voyage en Chine, il évite les analyses trop lourdes ou trop sententieuses. Il se concentre plutôt sur la part d'humanité qui nous est commune, partout sur la planète et en particulier dans une civilisation très ancienne.

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