2011-05-05

 

Le Québec et le court terme

J’ai trouvé assez curieuses certaines réactions suscitées au Québec par la vague orange du NPD. En particulier, quand on se lamente parce que le Québec se retrouvera dans l’opposition.

À moins de voter pour les Conservateurs, les Québécois allaient presque certainement soutenir un parti d'opposition : ils avaient le choix entre les Libéraux, les Bloquistes, les Verts et le NPD. Ils ont choisi le NPD. Même s'ils avaient donné 75 sièges aux Bloquistes, ils auraient été dans l'opposition et les Conservateurs auraient eu un gouvernement majoritaire (161 Conservateurs, 75 Bloquistes, 72 autres députés). S'ils avaient offert 75 sièges aux Libéraux, la situation n'aurait pas été vraiment différente (161 Conservateurs, 102 Libéraux, 45 autres députés). S'ils avaient offert 75 sièges aux Verts... Il est certes possible qu'un vote bloquiste ou libéral massif au Québec aurait permis aux Libéraux de remporter des circonscriptions ontariennes perdues en raison de la montée de dernière minute du NPD : il y en a au moins une demi-douzaine dans cette situation, mais d'autres ont été perdues par des marges trop grandes pour s'expliquer par la vaguelette orange. De toute manière, on a constaté qu'il y a un vote conservateur plus ou moins incompressible au Québec, de sorte que six sièges conservateurs de plus au Québec équilibreraient six sièges de moins en Ontario sans modifier la marge des Conservateurs. Dans le meilleur des cas, on aurait eu un gouvernement libéral minoritaire.

En fait, ce qu'on n'a pas assez souligné, c'est que la vague orange n'a pas eu le temps de déborder le Québec. Il est possible que si elle avait duré quelques jours de plus, le NPD aurait remporté des circonscriptions libérales perdues aux mains des Cosnervateurs. Le temps a manqué.

La différence, dans la situation actuelle, c'est que le NPD peut aspirer à former le gouvernement, ce que le Bloc n'aurait jamais pu espérer. Certes, un gouvernement minoritaire (conservateur ou autre) aurait été préférable, mais ceci n'allait pas se décider au Québec. Par conséquent, on peut trouver préférable de peser sur l'Opposition officielle plutôt que sur un tiers parti.

Surtout, l'idée selon laquelle il aurait été crucial d'avoir une influence déterminante dans ce Parlement semble témoigner d'une certaine impatience. Si l'accession du NPD au rang d'Opposition officielle peut le conduire ensuite au gouvernement en 2015, est-ce un délai vraiment inacceptable? On peut craindre, bien entendu, les dégâts que les Conservateurs pourraient causer d'ici là, mais le Canada a survécu à d'autres gouvernements catastrophiques. Se pourrait-il que le Québec ne soit plus capable de se projeter dans l'avenir en raison du vieillissement de la population, qui fait qu'une certaine génération est de plus en plus pressée parce qu'elle n'a plus le temps d'attendre quatre ou cinq ans en espérant qu'une majorité conservatrice entraîne un retour du balancier et une victoire du NPD ou des Libéraux? Si ce ne sont pas des événements imprévus — une nouvelle crise pétrolière ou environnementale — qui démontrent, d'ici quatre ou cinq ans, la vanité des prétentions conservatrices...

On en vient à se demander si le véritable fossé, au Québec, n'est pas celui qui sépare fédéralistes et séparatistes, ou la gauche et la droite, mais bien celui qui sépare les générations vieillissantes de plus en plus talonnées par les ans des générations plus jeunes encore capables de concevoir un avenir à long terme.

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