2011-02-14

 

Les corporatismes professionnels

Le passage des médecins de famille ce matin à l'émission de Christiane Charette valait son pesant de cacahuètes si on aime le cirque.

Admirez les médecins sortir des statistiques sans rapport! Hop, un chiffre comme quoi ils travaillent plus que les spécialistes! Hop, un autre chiffre pour dire qu'ils travaillent une journée et demie à l'hôpital, en plus des trois journées par semaine travaillées au bureau! (Faites le total...) Et puis, hop, un chiffre de plus pour établir le manque d'attractivité de la profession — sans préciser si c'est parce que la génération Y trouve que ce n'est pas assez payé... Et sans nous parler non plus des médecins étrangers qui passent les examens, puis trouvent porte close au moment de faire leur résidence...

Admirez la flèche de Parthe qui consistait à lancer que les médecins de famille voient 1500 patients par an, preuve qu'ils ne sont pas des feignants. Sauf qu'à raison de cinq jours par semaine et 250 jours par an, cela correspondrait à 6 patients par jour, de sorte que chaque patient aurait droit à une bonne heure en compagnie de son médecin de famille. Ce serait fort louable, mais est-ce bien la réalité? Les patients ont-ils droit à autant d'attention? Comme je fais partie, depuis quinze ans que je suis au Québec, des cochons de payeurs qui paient pour les autres sans jamais bénéficier du moindre service, je ne saurais dire.

Admirez les passes d'armes dans le vide de l'animatrice qui meuble les silences sans jamais allonger de question qui porte! La vraie question, pourtant, n'avait rien de compliqué : les médecins de famille actuels — pré-retraités, femmes et membres de la génération Y confondus — travaillent-ils autant que leurs prédécesseurs d'il y a trente ans? Et l'autre vraie question, qui est restée tapie dans les coulisses pour n'effrayer personne, c'était de savoir si le vieillissement de la population depuis trente ans augmente le nombre de cas lourds (sans parler des diagnostics trop abondants parce que trop précautionneux) relativement à ce qu'il était il y a trente ans...

Ceci m'inspire de sombres pensées au sujet des professionnels qui défendent leur pré carré. Peut-on leur faire confiance pour concilier non pas travail et famille, mais leurs intérêts personnels et l'intérêt public? Les médecins aussi bien que les professeurs universitaires profitent de rentes de situation fort avantageuses : leurs heures ont été sans cesse revues à la baisse en pratique et l'accès à leurs rangs a été rationné, que ce soit par un numerus clausus (au nom des restrictions budgétaires) ou par la multiplication de postes subalternes comme les charges de cours, de sorte qu'ils disposent souvent d'un pouvoir de négociation accru pour en obtenir toujours plus.

La solution consisterait-elle à réduire leur autonomie? En général, toutefois, ce ne sont ni les médecins ni les profs qui ont poussé pour être moins nombreux, absolument ou relativement, même si c'est l'aboutissement logique de leurs revendications salariales. Ce sont les administrations successives qui ont réglementé à outrance, dans certains cas, et géré plus ou moins à courte vue. Un nouveau surcroît de paperasse pourrait inciter les professionnels à se désengager encore plus.

La question, en fin de compte, ce serait de savoir si, autrefois, les professionnels travaillaient plus — soignaient plus ou enseignaient plus — parce qu'ils jouissaient d'une plus grande autonomie, de sorte qu'ils étaient plus enclins à prendre leurs responsabilités parce que leur sens de l'honneur professionnel était en jeu, alors qu'aujourd'hui, c'est une mentalité de syndiqué qui prime...

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