2009-10-11

 

L'effet placebo et le progrès

En août dernier, un article dans Wired révélait une découverte dérangeante : les études cliniques des compagnies pharmaceutiques semblaient démontrer que l'effet placebo était devenu plus puissant au cours des quarante dernières années... De sorte que les nouveaux médicaments testés par ces compagnies n'arrivaient pas à faire mieux que des pilules dépourvues de tout ingrédient actif!

Ironiquement, une des explications potentielles de cet accroissement de l'effet placebo, c'est que ce serait le résultat des pratiques mêmes des compagnies pharmaceutiques. À force de nous abreuver de publicités promettant le bonheur et la santé sous forme de capsules, ces compagnies auraient incité les consommateurs (et les sujets potentiels d'études cliniques) à doter n'importe quel médicament de pouvoirs toujours plus grands.

La délocalisation des études cliniques joueraient aussi un rôle : en organisant des tests à grande échelle dans des pays pauvres, on recruterait effectivement des sujets pour qui les protocoles des études représentent un traitement nettement plus poussé que celui dont ils bénéficient d'habitude. Par conséquent, l'anticipation d'une amélioration à venir serait bien plus puissante que dans les pays riches où le malade moyen a l'habitude de se gaver de pilules.

Enfin, les maladies que les compagnies pharmaceutiques cherchent à traiter aujourd'hui sont plus étroitement associées au psychisme des patients (douleur chronique, problèmes sexuels, dépression) qu'autrefois. Par conséquent, l'effet placebo sera plus efficace dans de tels cas que lorsqu'il s'agit de ralentir un cancer ou de guérir une fracture.

Néanmoins, ceci me semble négliger un autre facteur envisageable : comme le démontre l'augmentation de la longévité dans la plupart des pays, nous sommes tous en meilleure santé, généralement parlant, grâce aux effets lénifiants de nos modes de vie mécanisés et grâce aux progrès de la science médicale. Ce qu'on peut résumer en disant que plus on est riche, plus on vit longtemps et en bonne santé. Or, il paraît plausible que des malades jouissant initialement d'une meilleure santé auraient une plus grande résilience et une plus grande capacité d'utilisation de l'effet placebo. Statistiquement, donc, les patients actuels dans les pays riches seraient plus capables qu'auparavant de mobiliser l'effet placebo à leur profit.

Ailleurs, Peter Watts en tire la conclusion que si l'effet placebo devient plus efficace que les médicaments brevetés, les compagnies pharmaceutiques ne tarderont pas à faire interdire tous les exercices (méditation, etc.) susceptibles d'exploiter l'effet placebo. Mais si l'amélioration du niveau de santé générale associée à l'augmentation de la richesse moyenne est réellement responsable de cette augmentation de l'effet placebo, une telle opposition sera futile. Car le seul moyen efficace de combattre cette augmentation serait d'appauvrir la population — mais une population appauvrie ne pourrait pas acheter les coûteux médicaments brevetés des compagnies pharmaceutiques, qui se tireraient donc dans le pied...

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