2009-09-25

 

Sur le thème du patrimoine

Le seizième colloque biennial de l'Association pour l'histoire de la science et de la technologie au Canada a lieu dans les anciens locaux de l'Université Laval (qui appartiennent encore aujourd'hui au Petit Séminaire), au cœur du Vieux-Québec. Le thème : « Science, société et patrimoine ».

La première séance à laquelle j'assiste porte sur les données de l'histoire et des sciences naturelles. Stéphanie Tesio présente les textes et travaux de Michel Sarrazin (1659-1734) (la sarracénie pourpre porte son nom) et Jean-François Gaultier (1708-1756), deux grands médecins et naturalistes de la Nouvelle-France. Sarrazin avait été le correspondant de deux membres de l'Académie royale des Sciences, soit Tournefort de 1699 à 1708 et Réaumur de 1717 à 1734. Gaultier avait correspondu avec Duhamel du Monceau de 1742 à 1756. (Peut-être en raison de leurs activités médicales, ils seraient tous les deux morts de maladie, Sarrazin de la petite vérole et Gaultier du typhus.) Tant Sarrazin que Gaultier ont contribué à la connaissance de la flore canadienne, s'ajoutant à une liste assez courte de botanistes à l'avoir fait avant eux, en commençant par Jacques Cornut. Le manuscrit de botanique de Sarrazin daterait de 1707 et comprend 10 plantes identifiées comme médicinales sur un total de plus de deux cents plantes. La flore manuscrite de Gaultier en 1749 est plus ambitieuse, recensant près de cinq cents plantes canadiennes. Des plantes commercialisables et leurs produits sont signalés, dont le ginseng, le sucre d'érable, le baume blanc du Canada, le blé d'hiver suédois et l'adiante pédalée.

Diane N. Buhay et Randall F. Miller se sont intéressés à la constitution d'une bibliothèque de recherche par la Natural History Society (NHS) du Nouveau-Brunswick, qui a existé de 1862 à 1932 avant de s'amalgamer au musée provincial. (La société disposait d'un sceau à l'emblème d'un trilobite révélant son intérêt pour la géologie et la paléontologie.) Les procédés sont classiques et connus de quiconque s'intéresse à l'histoire des nouvelles associations et sociétés culturelles dans le Canada du XIXe siècle : sollicitation des grandes sociétés comme l'Académie des Sciences ou la Smithsonian pour des dons, offre d'échanges de périodiques, obtention de legs... La NHS réussit assez bien à meubler sa bibliothèque, même si ses dirigeants déplorent régulièrement l'absence d'un catalogue en bonne et due forme, ou le désordre, ou les livres prêtés qui disparaissent.

Enfin, l'astrophysicienne Elizabeth Griffin discute de l'intérêt de la création de bases de données scientifiques historiques. En astronomie, par exemple, il existerait de par le monde trois millions de plaques photographiques obtenues par les astronomes de jadis en photographiant le ciel étoilé ou en produisant des spectres stellaires. Si elles étaient numérisées, ces plaques deviendraient une véritable mine d'informations historiques ou scientifiques. Les historiens profiteraient aussi de la numérisation des journaux personnels des astronomes et des registres d'observations.

Les machines requises coûteraient environ un demi-million de dollars pièce, mais l'ensemble de l'entreprise exigerait quelques années et quelques millions de dollars, selon Griffin. Il serait possible d'en extraire des données sur, par exemple, l'évolution de la quantité d'ozone dans l'atmosphère depuis le XIXe s.

Pour l'instant, l'entreprise tombe entre deux chaises. Les astronomes et les observatoires individuels n'ont pas toujours les moyens de s'en occuper. Les universités, les instituts ou labos de recherche et les conseils subventionnaires, trop axés sur le financement de l'obtention de nouveaux résultats, n'en voient pas l'intérêt. Les Archives nationales du Canada privilégient le patrimoine plus tangible, tandis que Canadiana s'intéresse aux écrits et aux publications plutôt qu'aux images, chiffres ou mesures, tout comme la Bibliothèque scientifique nationale. Et pourtant, comme je le fais remarquer, il existe des données encore plus fragiles que les plaques argentiques : tout ce qui a été enregistré sur des rubans magnétiques ou des supports numériques déjà périmés...

En fin de journée, Ronald E. Doel et Suzanne Zeller présentent le programme de recherche collaboratif BOREAS (Histories from the North – environments, movements, narratives) financé par l'European Science Foundation. Des Nord-Américains comme Doel et Zeller ont été en mesure de se greffer à cette initiative européenne qui fédère les efforts de plusieurs pays et qui permet d'envisager de nouveaux thèmes de recherche dans le contexte polaire. Par exemple : (i) l'apparition de nouvelles technologies (comme le dirigeable ou l'avion) dans les environnements inédits du Grand Nord, (ii) l'application des sciences physiques de l'environnement au Grand Nord (par les forces militaires des États-Unis, entre autres), (iii) la comparaison des perspectives canadiennes et étatsuniennes sur les sciences de l'environnement dans l'Arctique, (iv) l'approfondissement de la compréhension des changements climatiques, et (v) l'intersection de la recherche scientifique et de la politique étrangère...

C'est une première journée qui ne m'a pas appris grand-chose de neuf, mais qui a l'avantage de me replonger dans le bain et qui m'aura permis de retrouver de vieilles connaissances.

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