2009-05-24

 

Les subjectivités collectives : des conclusions?

En matinée, Éric Picholle ouvre la discussion sur le sujet des « Subjectivités collections vs. paradigmes scientifiques ». Il fait remarquer que la subjectivité collective se fonde sur une expérience partagée, et partageable par la communication. Afin de faire le lien avec la science et ses paradigmes, il commence par citer l'essai de Klein : « Lorsque deux physiciens s'efforcent de communiquer à propos d'une expérience, ou encore de vérifier l'identité de deux expériences, ils essaient, dans un domaine volontairement très limité, de faire tendre des mots et des symboles à devenir des codes dont tout sens plus général serait à la limite exclu. Tout écrivain part dans la même direction, mais parce qu'il ne le peut pas et ne le veut pas, il s'arrête en chemin. Il ne le peut pas parce que son champ est beaucoup trop vaste pour qu'il puisse le transmettre en termes de code, et il ne le veut pas parce qu'il sait qu'il ne, le peut pas et qu'il fonde son travail sur la recréation par son lecteur, de l'autre côté des mots, d'une autre illusion irréductible à la sienne. »

J'ajouterais ici que la réduction de la science aux expériences est trompeuse, et que la notion de la précision ou de la restriction dans la communication est juste, mais réductrice. Quand un observateur astronomique parle de l'espace, il est très général (il serait difficile d'être plus général!), mais il exclut néanmoins d'emblée un certain nombre de sens supplémentaires admis par la langue commune. Ainsi, il peut parler des poussières interstellaires dans l'espace sans exclure — ou même, désirer exclure — de ce dernier un grand ensemble de phénomènes (électromagnétiques, quantiques, gravitationnels, etc.) ou le limiter à une seule région de l'Univers. Il suffit, pour la compréhension du texte, que l'espace en question ne soit pas certains autres espaces admis par la langue. Est-ce juste de parler de code? Je n'en suis pas si sûr, car ce mot implique une espèce de bijection, de correspondance un pour un, et la communication scientifique est en fait plus complexe que cela — ou plus négative. Quand un scientifique trace une courbe à partir de points en indiquant les marges d'erreur ou d'incertitude, ce qu'il ou elle revendique comme certitude concerne en fait les blancs du diagramme : en fait, la zone du diagramme traversée par des points ou une courbe est paradoxalement l'endroit de la plus grande incertitude.

Picholle a enchaîné en citant un autre passage de l'essai : « Cependant, le vu et le non vu ne sont pas dans le réel: ils sont dans le regard. Le faux aphorisme zen ment qui dit que lorsqu'un doigt désigne la Lune, l'imbécile regarde le doigt. Il faut bien regarder le doigt pour le suivre jusqu'à la Lune. [Paragraphe] Ainsi, après que Kepler puis Galilée, suivant le doigt de Copernic, aient affirmé que la Terre tournait autour du Soleil, presque tout le monde s'est accordé à voir ce qui précédemment était tout à fait étranger au bon sens. Il en a été de même plus récemment lorsqu'Einstein a proposé que les vitesses ne s'additionnent pas arithmétiquement. Il y a là de puissantes S.C. appuyées sur du concret; je n'ai pas dit sur du réel. » D'un point de vue historique, c'est discutable. Il faut enseigner à nouveau l'héliocentrisme à chaque nouvelle génération parce que l'évidence échappe justement au regard; encore aujourd'hui, une part importante de la population dans les pays industrialisés (de l'ordre du quart) l'ignore ou s'en moque. Le regard naïf s'en tiendrait presque certainement à la vision géocentriste, tout comme les Anciens avaient fini par rejeter les théories héliocentriques d'Aristarque et compagnie. En l'absence des preuves physiques et concrètes dont nous disposons aujourd'hui, les seuls arguments mathématiques des astronomes ne tiendraient pas nécessairement la route. Mais bon, Klein sacrifiait aux mânes des constructivistes de son époque.

La discussion s'engage ensuite sur le paradigme kuhnien en science, mais sans nécessairement pousser très loin.

En après-midi, juste avant l'heure du départ, on se lance dans un rapide débat sur les « SF studies » (ou leur absence) dans l'université française. On s'entend pour souhaiter l'existence d'une revue, peut-être sur internet ou peut-être pas...

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