2009-02-18

 

Lectures du passé

Autrefois, on lisait en remuant les lèvres parce que la lecture était encore proche de la parole et de l'oralité. En anglais, le mot lecture désigne d'ailleurs une allocution de vive voix, un discours prononcé à haute, voire un cours au complet. Dans le film The Reader, inspiré par le roman Der Vorleser de l'auteur allemand Bernhard Schlink, la lecture de livres se fait aussi à voix haute. Est-ce pour autant un cours d'histoire et de civisme qu'on nous inflige?

En revenant dans mon quartier à pied, sur quatre kilomètres sous les étoiles, j'ai changé d'idée plusieurs fois sur le film. Hanna Schmitz, la femme dont s'éprend le jeune Michael Berg en 1958, ne dit rien de son passé à son jeune amant, et pour cause! Elle était une simple ouvrière de Siemens quand elle a accepté un poste de garde-chiourme au sein des SS chargés du camp d'Auschwitz et de ses satellites. Ce qu'elle ne prévoyait peut-être pas, elle l'a vécu.

Mais l'histoire se complique quand Michael assiste huit ans plus tard au procès de son ancienne amante, que la loi a retrouvée pour la juger avec d'autres gardiennes. Quand Hanna se montre trop franche, ou trop bête pour mentir, parce qu'elle a cru qu'elle faisait tout simplement le travail qu'on lui avait confié, elle devient le bouc émissaire désigné parce qu'elle cache une seule chose, un secret honteux que Michael devine enfin et qui change beaucoup de choses. De nombreux détails s'éclairent quand on se rend compte que Hanna est illettrée : guide de voyage qu'elle refuse de lire, menu qu'elle ne consulte pas, promotion qui la fait fuir puisqu'elle sera obligée d'exécuter un travail de bureau... Et, bien entendu, quand elle demandait à Michael de lire, ce n'était pas seulement pour le plaisir d'entendre sa voix, mais parce que c'était la seule manière pour elle de découvrir la littérature. Une manière de faire qu'elle avait adoptée auparavant à Auschwitz, en obligeant des prisonnières à lire pour elle.

Mais Michael n'ose pas informer le tribunal de ce qui pourrait modifier le cours du procès puisque Hanna passe pour la rédactrice d'un rapport falsifié sur un incident particulièrement atroce. S'abstient-il parce qu'il ne veut pas se mêler du sort d'une brebis galeuse, trop étrangère à sa condition bourgeoise et à sa future carrière judiciaire? Ou parce qu'il juge qu'elle mérite d'être punie, d'être le bouc émissaire d'un peuple qui, comme Michael, n'a rien vu et n'a rien su tant que ça l'arrangeait?

Le film ne nous éclaire pas sur les revirements de Michael. Du coup, le film se prête à une nouvelle lecture : au cœur de l'histoire, ce n'est plus Hanna qui doit porter le fardeau de la culpabilité et des crimes nazis, mais bien la faiblesse humaine de ceux qui n'agissent pas parce que c'est plus simple de ne rien faire et de laisser l'église brûler, en même temps que les prisonniers enfermés à l'intérieur. Michael, pourtant averti par le destin de l'Allemagne nazie et encouragé par son professeur à poser le bon geste, se dérobe et opte pour les plaisirs du présent, tellement plus prometteurs que les impénétrables complications du passé. Mais si tout le monde est faillible, ne faut-il pas exonérer dès lors tout un peuple? Une fois les règles décidées par d'autres, ce seraient les circonstances qui feraient les criminels, et non les choix personnels.

Sauf que la faiblesse ou le dépit de Michael permet à des coupables d'échapper à leur châtiment tandis que Hanna paie pour les autres. Est-ce juste? Mais des centaines d'autres personnes, des milliers et des dizaines de milliers d'autres ont participé à la machine de mort. En condamner une ou six, c'est quand même disculper toutes les autres.

En fin de compte, le film penche pour la valeur de la franchise. Les silences de Michael et de Hanna leur ont porté malheur. Le silence a trop souvent permis de fermer les yeux. Michael décide enfin de raconter la vérité à sa fille, de dire à voix haute sa propre histoire au lieu de lire celle des autres.

Mais quand Michael emmène sa fille visiter une vieille église à la fin du film, j'ai cru qu'il l'amenait voir quelque monument à la mémoire des femmes qui avaient péri, enfermées dans une église en train de brûler parce que personne ne voulait prendre la responsabilité d'ouvrir les portes, victimes emblématiques de la folie allemande. Eh bien, non! Il l'amène voir la tombe de Hanna... Ce ne sont pas les victimes qui justifieront le choix de la franchise, mais une de ces nombreuses personnes qui obéirent aux ordres sans trop s'interroger.

Est-ce trop égocentrique d'ignorer les victimes pour se préoccuper des coupables et de la cartographie exacte de leur culpabilité? Mais le film s'adresse de nos jours à des auditoires occidentaux plus susceptibles de compter en leur sein des bourreaux potentiels que des victimes potentielles.

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Comments:
Je pense que beaucoups des films populaires ces jours, et aussi beaucoups des gens qui vont les voir, ils doivent par l'actualite et peut-etre un nouvel tendance du esprit sociale a voir les horreurs du monde, mais quand ils doivent vraiment faire un face leur part, ils s'tournent a intérieur, a des romances en le film ou chose escapiste comme ca, plupart des temps apparemment distincte de politique (mais comme un feministe, je pense c'est BS). Et pour ce raison j'ai trouve le film "Australia" (qui je ne voulais pas voir mais un amie demande a moi) tres affreux, particulierement eux politiques raciales vieux.
 
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