2009-01-21

 

Un homme en colère

Hier, Barack Obama a parlé comme un homme en colère. Non pas comme un homme noir en colère, car, au contraire, s'il avait parlé à ce titre, il aurait peut-être exprimé une certaine satisfaction et un soulagement certain de commencer à exorciser une ancienne malédiction. En fait, le ton de son discours faisait écho à celui de son discours de Denver dont le premier mot avait été proféré avec une indignation tonnante : « Enough! »

Cette fois, il livrait une critique générale des mœurs de son pays : « a collective failure to make hard choices », tout en déplorant l'irresponsabilité et la cupidité de quelques-uns. Quand il lançait « Know this, America! », c'était sur le ton d'un père qui tance un fils prodigue qui doit renoncer aux choses de l'enfance. Un peu paradoxalement, il ordonnait aux Américains d'espérer en un avenir meilleur.

S'il était en colère, on peut le comprendre, car il hérite d'un pays qui va à vau-l'eau. Et il épinglait comme un échec ce dont George W. Bush s'enorgueillissait le plus, celui d'avoir fait des choix difficiles. Mais un choix difficile pour Bush, c'était de sacrifier le sang des autres et de bafouer les lois et les conventions et les paroles données, mais jamais de remettre en cause une idée reçue. Si on se risque à lire dans les pensées d'Obama, on aura l'impression qu'il prévient son peuple que lui refusera de se laisser contraindre par les dogmes de la gauche comme de la droite.

C'est l'orgueil du centriste qui transparaît, mais la question qu'il faut se poser quand un centriste se pose en arbitre des recommandations de plusieurs écoles de pensée, c'est celle de la solidité de la base sur laquelle il se tient. Or, dans le cas de Barack Obama, qui a étudié les sciences politiques et la loi, mais pas nécessairement l'économie, l'histoire, la sociologie ou les sciences, le socle est constitué de certitudes habituelles répandues dans les officines des gens de robe mais pas toujours soumises à l'épreuve de la réalité, hors des cadres institutionnels. Or, ce qui se passe en ce moment dans le monde fait craquer les cadres conventionnels et Obama est presque un énarque à la française, même s'il s'est frotté de plus près à la vie sur le terrain dans les rues de Chicago que beaucoup d'autres. Il n'a ni l'expérience pratique du gouvernement d'un Jean Chrétien ou d'un Franklin Delano Roosevelt ni l'imprégnation intellectuelle fournie par une discipline véritablement rigoureuse.

Que fera-t-il? Tout ce qu'on peut espérer, c'est qu'il nous surprenne, car je crois, un peu comme Thomas Friedman, que l'heure n'est plus aux demi-mesures, mais aux plus radicales, au mépris de ce qui a passé pour le sens commun ces huit dernières années.

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