2008-11-05

 

La SF brésilienne à l'écran

Hier, je suis revenu à Montréal pour assister à une causerie de Fabiana Pereira au sujet de l'influence française sur la science-fiction brésilienne au cinéma. Fabiana Pereira donnait en exemple Quem é Beta, un film du cinéaste brésilien de gauche Nelson Pereira dos Santos et une co-production franco-brésilienne de 1972. Aussi connu en français sous le titre Pas de violence entre nous, ce n'est pas ni le premier ni le seul film de science-fiction réalisé au Brésil, Fabiana Pereira en ayant recensé plus d'une vingtaine. Nelson Pereira dos Santos était une figure de proue du Cinema Novo, qui privilégiait des valeurs humanistes voire socialistes, une certaine économie esthétique et une focalisation sur la vie populaire. Toutefois, après le coup d'État des généraux en 1964 et le putsch interne en 1968 qui droitise encore plus les politiques de la junte, ses valeurs ne sont plus de mise au moment même où Pereira dos Santos connaît un succès grandissant à l'étranger. En 1971, il fait le tour des festivals avec son film Comme il était bon, mon petit Français et il est frappé par l'isolement de cette existence errante confinée à des palaces successifs et coupée du quotidien des gens ordinaires.

Quand il se laisse convaincre de diriger un film qui donnerait, avec du financement français, la vedette à la jolie Regina Rosenburgo, qui jouait dans le film Garota de Ipanema, Nelson Pereira dos Santos a l'idée d'une allégorie qui empruntera à la science-fiction, ou plus précisément à une nouvelle d'un auteur brésilien contemporain, dont le protagoniste était un militaire isolé dans son bunker cerné par une multitude d'extraterrestres. Le scénario transpose la situation sur Terre dans un contexte post-apocalyptique, où les rares personnes épargnées par une épidémie se défient des contaminés et s'en défendent à coup de fusil. Là-dessus se greffe l'histoire d'un couple de rescapés qui vit dans sa bulle, en acceptant occasionnellement un troisième partenaire pour agrémenter ses ébats amoureux.

Le film tiendra une semaine à l'affiche à Rio, dans une seule salle, en partie parce que Regina Rosenburgo meurt tragiquement en 1973 et en partie parce que le film est jugé incompréhensible et rébarbatif par la critique. À Cannes, les amis de Nelson Pereira dos Santos tentent de le convaincre de ne pas même le montrer.

Fabiana Pereira suggère que le film a pu être inspiré par Alphaville de Godard, moins dans son intrigue que dans son approche de la science-fiction qui évacue autant que possible les références à la sf étatsunienne. Toutefois, dos Santos avoue beaucoup plus facilement l'influence de Buñuel, et du cinéma d'auteur français en général. Et puis, il y a les circonstances de sa vie. Outre sa tournée des festivals en 1971, il avait tenté de se soustraire à l'attention de la junte militaire en devenant professeur dans une université de banlieue, sise dans un faubourg dominé par une nouvelle classe professionnelle qui, justement, affectionnait la science-fiction parce qu'elle se reconnaissait dans ses rêves progressistes. C'était une autre bulle...

Le film au complet n'a pas été projeté hier, mais les personnes présentes ont pu regarder un extrait dont l'allure rappelait bel et bien la cinématographie de science-fiction des années soixante-dix, combinant retour du primitif et paranoïa larvée... Un de ces jours, il faudra que je regarde l'ensemble de la chose.

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