2008-11-06

 

La nature du racisme

En ce qui me concerne, l'élection de Barack Obama illumine la nature du racisme, ou du moins elle m'oblige à réviser l'idée que je m'en faisais. Depuis mon enfance, j'associe le racisme aux préjugés : avant même de connaître quelqu'un, on l'a déjà jugé (et condamné) sur la base de son apparence, de son sexe, de sa langue, de son orientation sexuelle, etc.

Mais c'est un peu court, et certainement incomplet. Dans certaines circonstances, les préjugés s'apparentent à des heuristiques rudimentaires en l'absence de faits positifs et qui prennent toute leur importance quand il importe de trancher avant d'être en possession des faits. Qu'on le veuille ou non, un grand gaillard noir habillé en rapper et arborant les couleurs d'un gang de rue suscitera plus l'inquiétude dans une rue la nuit qu'une jeune femme asiatique affublée de lunettes... Même Jesse Jackson avait avoué en 1993 : « There is nothing more painful to me at this stage in my life than to walk down the street and hear footsteps and start thinking about robbery — then look around and see somebody white and feel relieved. » On peut discuter du bien-fondé du profilage racial quand ce ne sont pas des individus qui l'appliquent mais les forces de l'ordre, ou des conditions qui exacerbent la criminalité au sein de certaines communautés, ou de l'hystérie médiatique qui porte à exagérer les risques, mais si un préjugé permet de réduire un risque de un sur un million à un sur dix millions, peut-on interdire à un individu sans autre recours de se reposer sur ses préjugés?

En revanche, ce sont les postjugés qui me semblent révéler le plus clairement le racisme, c'est-à-dire les opinions formées après l'épreuve des faits si elles correspondent toujours aux préjugés antérieurs, et non aux faits. Quand des millions d'électeurs étatsuniens continuent à croire encore aujourd'hui que Barack Obama est musulman, qu'il n'est pas né aux États-Unis ou qu'il est un Communiste, on ne peut l'expliquer que par un refus des faits et un entêtement dans l'erreur attribuable à un racisme inavoué.

En 1964, Martin Luther King avait dit, entre autres : « I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character. » On ne peut juger le caractère de quelqu'un qu'après avoir fait sa connaissance, mais si on a fait la connaissance de quelqu'un et qu'on ne le juge pas sur la base de ses faits et gestes, mais sur l'idée qu'on se faisait déjà de lui sur la base de son appartenance à un groupe, on révèle peut-être le plus clairement du monde l'emprise du racisme sur sa pensée.

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Comments:
Bonjour,

On a peu mentionné le "profilage" que chacun de nous a tendance à faire. La citation de Jesse Jackson me rappelle pas mal de marches que je prenais le soir...

Bravo pour la distinction post-jugés et préjugés. Il y a des idées qui sont des coussins intellectuels si confortables qu'on a peine à s'en extirper.
 
Salut Jean-Louis

Ce texte fait des liens avec ce que j'apprends en cours de problèmes sociaux.
Selon l'école interactionniste, il y a création de groupes stigmatisés à la fois par ces groupes qui se reconnaissent entre eux et par la vision qu'en ont les membres de la société. Cela s'appelle l'étiquetage.
Et oui, cela implique cette fameuse idée que je me fais de l'autre a priori, même si je me défends d'avoir des préjugés...
 
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