2008-11-10

 

Gibson et Malet

J'ai fini par finir Pattern Recognition de William Gibson. OD m'avouait récemment qu'il ne l'avait jamais terminé et je le comprends. Si je suis arrivé au bout du roman et d'un enchaînement de péripéties qui ne deviennent jamais tout à fait palpitantes, c'était en me disant que Gibson ne nous aurait pas fait languir si longtemps s'il ne comptait pas récompenser ses lecteurs.

En fait, s'il consent enfin à combler notre curiosité, Gibson ne la satisfait pas entièrement. La succession d'incidents culmine, certes, avec la découverte de l'identité de la personne dont les clips vidéo semés à tous vents sur la Toile avaient obsédé de nombreux internautes, dont Cayce Pollard. Personnellement, j'aurais conclu avec cette révélation, mais Gibson tient à nouer les autres fils de l'intrigue. Cayce est la fille d'un agent secret étatsunien qui a disparu le 11 septembre à New York sans que l'on sache s'il se trouvait dans les tours jumelles. Non que le sort de Win Pollard soit totalement éclairé. La disparition de son mari avait lancé la mère de Cayce à la recherche d'indices et de messages d'outre-tombe. Cayce, elle, se contentait de rêver de son père, voire d'halluciner sa présence.

En principe, cela n'avait rien à voir avec le métier de Cayce, analyste de l'efficacité des marques publicitaires, mais un voyage à Londres bouleverse son existence de professionnelle indépendante et sans amarres. On fouille dans son appartement à Londres, on lui fait des offres, on lui paie un voyage à Tokyo où elle est agressée, elle fait affaire avec un agent secret à la retraite, elle s'envole clandestinement pour Moscou, se fait droguer, se réveille dans un asile...

Bref, l'action ne manque pas, mais elle est bizarrement ouatée parce que Cayce évolue dans un monde confortable, isolée des contingences quotidiennes par l'argent et les attentions de ses employeurs. Un peu comme dans La possibilité d'une île de Michel Houellebecq, où le personnage ressemble à l'auteur, on soupçonne que l'auteur s'est tellement habitué à vivre dans le giron du luxe qu'il ne peut plus mettre en scène un personnage le moindrement démuni.

C'est un peu pourquoi je lis avec un tel plaisir les enquêtes de Nestor Burma, le détective imaginé par Léo Malet. Il n'y a pas seulement l'attrait du voyage dans le temps, chaque enquête recréant un aperçu (plus ou moins romancé, certes) d'une France disparue. Il y a aussi la réalité plate et prosaïque de la vie dans un monde sans garde-fou. Dans Le 5e procédé, qui se passe durant la Seconde Guerre mondiale, Burma doit plonger dans une forme de clandestinité et dormir à la dure tout en poursuivant l'enquête. Les personnages se déplacent à vélo, se font donner un bout de conduite en voiture et ramassent les gnons. Ces deux ouvrages sont des romans, mais celui qui est le plus convaincant n'est pas nécessairement celui qui est le mieux documenté. L'enracinement dans une réalité connue de tous peut racheter beaucoup de raccourcis et de plaisanteries.

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