2008-07-31

 

L'avenir de l'énergie au Québec

Que l'on croie ou non à l'existence d'un pic pétrolier dès aujourd'hui, tout indique que la production pétrolière ne pourra pas répondre à la demande à venir si celle-ci ne change pas de caractère. L'autre jour, je montrais à quel point la consommation d'énergie au Québec dépendait des importations, tant pour le pétrole et le gaz que pour l'électricité.

Néanmoins, un exercice de prospective (« Perspectives STS ») mené par le Conseil de la science et de la technologie du Québec — et présenté par Alain Bergeron, auteur de science-fiction à ses heures, dans ce document (.PDF) — a tenté de cerner le défi posé par la pénurie inéluctable de carburants fossiles. L'exercice a accouché d'un rapport (.PDF) qui propose des priorités et des orientations stratégiques à court et moyen terme pour le Québec.

Il propose trois orientations :

1. Le soutien aux technologies stratégiques qui présentent un bon potentiel d’efficacité énergétique et de production d’énergie à partir de sources renouvelables;

2. Le maintien et la consolidation des compétences déjà en place dans les domaines où il y a un avantage comparatif reconnu pour le Québec;

3. La réalisation des retombées économiques, sociales et environnementales attendues du développement de l’efficacité énergétique et des nouvelles technologies de l’énergie.

Bon, whatever...

Plus concrètement, cela signifie que le Québec doit parier sur l'innovation, dans trois domaines présentés ainsi : Ceci part d'un constat clairement énoncé : « La diminution des réserves de combustibles fossiles, en particulier le pétrole, et la lutte contre les changements climatiques rendent plus criants les besoins en R-D en matière d’efficacité énergétique et de nouvelles technologies de l’énergie.» Et si ceci s'applique surtout en Europe, le rapport en accepte la validité pour le Québec.

Ceci rejoint un article intéressant de Tessaleno Devezas et compagnie qui propose de revoir une vieille idée (.PDF) de Cesare Marchetti mise de l'avant en 1977, durant la précédente crise de l'énergie. Celui-ci avait envisagé la fin du système énergétique fondé sur le pétrole et son remplacement cyclique par une nouvelle source d'énergie, tout comme le pétrole avait remplacé les sources d'énergie précédentes. Toutefois, Marchetti prévoyait le remplacement du pétrole par le gaz naturel, puis par l'énergie nucléaire. Si les données préliminaires disponibles en 1977 semblaient justifier cette prévision, ce n'est plus le cas. Le déclin des anciennes sources d'énergie (charbon et bois) s'est stabilisé, et l'augmentation de l'utilisation des nouvelles sources d'énergie (gaz naturel et nucléaire) plafonne.

Par conséquent, Devezas et cie suggèrent de conserver le modèle de Marchetti mais de le réviser. Ils combinent le pétrole et le gaz naturel comme relevant des mêmes énergies fossiles, et ils décident de prendre au sérieux la notion de l'efficacité énergétique comme source d'énergie en soi (une source de négawatts...). Du coup, on voit apparaître une nouvelle source d'énergie qui s'inscrit dans la périodicité des cycles de substitution antérieurs. La combinaison du nucléaire et des énergies renouvelables prendrait ensuite la relève, ramenant l'humanité à la situation d'avant la Révolution industrielle, quand les principales sources d'énergie (biomasse, bois, vent) étaient toutes renouvelables. Les auteurs n'essaient pas de justifier la capacité des énergies renouvelables à satisfaire aux besoins anticipés; il leur suffit de justifier la prédominance à venir de nouvelles sources d'énergie sur les anciennes.

Mais l'idée d'un retour au passé ne semble pas si horrible si, comme il y a longtemps, ce serait un moyen de combler durablement les besoins en énergie de l'humanité, sans jamais avoir à s'inquiéter de nouveau d'une pénurie d'énergie.

Si cette intuition devait se vérifier, elle atténuerait les inquiétudes soulevées par la mise à jour des scénarios du premier rapport Limits to Growth produit en 1972. La mise à jour en 2002 a fait l'objet d'un livre, Limits to Growth, the 30-Year Update, dont l'argumentation est résumée ici et ici (.PDF). Les projections de ces scénarios incluent le recyclage et l'augmentation de l'efficacité, mais peut-être pas au point de leur attribuer une croissance aussi exponentielle que pour les autres facteurs.

Je l'ai lu avec une certaine inquiétude, en me demandant si l'empire romain pourrait illustrer le phénomène du dépassement des limites, suivi d'une correction inéluctable. Épuisement des sols, épuisement des mines... Il y a quelques indications de ces limites à la croissance dans le monde romain; l'usage de l'avortement et de l'infanticide serait alors une conséquence, et non une cause du déclin démographique.

Mais la vraie question, connaissant la capacité humaine à s'habituer à tout, est plus subtile. Si le monde actuel connaît une transition semblable, réduisant sa population pour s'adapter aux nouvelles productions énergétiques, aurons-nous conscience de vivre un effondrement et un déclin semblables à ceux de l'Antiquité?

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Comments:
Merci encore, Jean-Louis, de prendre le temps de réfléchir à ces enjeux, et de colliger les chiffres.
Si j'ai une chance, je vais en parler à mon député fédéral, demain...
En passant, il s'appelle Khaaaaan! (Khan, comme dans Star Trek, mais Wajid de son prénom)
 
Oui, tout un numéro, ce Khan! Il a beaucoup fait les nouvelles en peu de temps...

Chiffres? Curieusement, ce n'est pas un billet où il y a beaucoup de chiffres (sauf dans les liens). Il est plus philosophique qu'autre chose, pour stimuler mes réflexions et celles des autres, qui sait...
 
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