2008-06-10

 

Le clan des encensés

Difficile d'imaginer la traduction en français du titre du nouveau roman de Lee Danielle Hubbard, The Clan of the Dung-Sniffers... « Le Clan des sniffeurs de bouse? » À la rigueur, mais ce n'est pas vraiment l'important, de toute façon. La jeune écrivaine de Victoria a choisi un titre opaque, qui ne révèle rien de majeur au sujet de son roman même s'il désigne le cercle des personnages principaux, réunis par le hasard et unis par l'amitié dans un monde fantastique vaguement médiéval ou orientalisant. La légende raconte que le troisième soleil s'y est abîmé dans l'océan et a donné naissance à des mers acides où les Bédouins immergent leurs morts pour en assurer la dissolution. Les personnages principaux habitent une Cité qui serait l'une des rares agglomérations survivantes. Ils ne forment pas un clan au sens ethnologique du terme, toutefois, et ils ne s'intoxiquent pas en humant des relents de bouse. Ils brûlent un peu d'encens pestilentiel quand ils se rencontrent, mais il s'agit d'un détail, et le lecteur aura presque l'impression que l'autrice l'a inclus pour justifier son titre... En traduisant le titre par « Le Clan des encensés », on obtiendrait d'ailleurs un double sens éclairant, puisque ce serait facile de lire « Le Clan des insensés » et que ce dernier terme décrirait assez bien plusieurs des personnages principaux...

Non qu'ils soient fous au sens clinique du terme, mais plusieurs sont fort excentriques, disons, en particulier le narrateur, Ksar, qui adopte un déguisement différent par jour et qui est devenu l'ami d'un fils d'alchimiste qui élève des cobras miniatures. Quand des plumes commencent à pousser à son ami, Glane, le jeune Ksar ne sait trop comment réagir, en particulier quand Glane est à l'hôpital, craint de mourir et s'en prend à Ksar. Leurs craintes à tous sont sûrement aiguisées par leur culpabilité, car le clan en question est né d'un accident devenu un crime dont ils gardent le secret. Quand ils se croient poursuivis par des abeilles capables de transformer ceux qu'elles piquent en oiseaux, les membres du clan se dispersent. Les aventures du Bédouin Yaryk et de son jeune protégé, Blade, composent la seconde narration principale du livre. Avant de revenir dans la Cité qu'ils ont quitté, tant l'adulte que l'adolescent auront appris au contact d'un monde moins magnanime à modérer leurs attentes et leurs ambitions.

En fait, il s'agit d'un roman sur le romanesque, les aléas de l'amitié et la pénible obligation d'accéder à la condition adulte en sacrifiant quelques illusions. L'autrice crée une atmosphère onirique, pas aussi marquée que dans The Arabian Nightmare de Robert Irwin dont j'ai déjà parlé, mais qui va beaucoup plus loin que la plupart des romans actuels de fantasy en anglais. Elle conclut le roman en livrant quelques éclaircissements qui suggèrent que les peurs des amis du petit clan ont grossi les périls et aussi l'étrangeté de ceux-ci, mais j'ai presque l'impression qu'il s'agit d'une obligation de clarté à laquelle son éditeur l'a astreinte pour rassurer un peu les lecteurs qu'il existait une cohérence à cette plongée dans l'altérité. Est-ce un roman réussi? Peut-être pas tout à fait, tellement il se disperse en même temps que les personnages, mais il est certainement original et fascinant. J'achèterai sans doute le prochain roman de Lee Danielle Hubbard, pour voir.

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