2008-06-16

 

D'une commission l'autre

Parlons du futur du pays. Et parlons donc encore de la commission Bouchard-Taylor.

Le refus de voir la réalité en face a caractérisé plusieurs des réactions au rapport final. D'ailleurs, durant la tournée des commissaires, les inquiétudes exprimées par les membres de certaines minorités avaient suscité des réactions de rejet emphatiques par des Canadiens-français du Québec. Lors du passage à St-Jérôme, par exemple, Le Devoir rapportait ainsi le 25 septembre 2007 une partie du forum des citoyens : « Trois personnes ont condamné la préparation industrielle de nourriture rituelle pour les juifs (ou les musulmans) orthodoxes, se désolant des suppléments de coûts imposés à tous les consommateurs. «Pourquoi avoir peur d'un petit ghetto juif ou autre?», a demandé ensuite un monsieur à longue barbe grise, chahuté par la salle. »

L'ironie, c'est que cela peut rappeler les réactions à une autre commission, quarante ans plus tôt. La commission Laurendeau-Dunton, c'est-à-dire la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.

Dans Sorry I don't speak French, Graham Fraser rappelait la gamme des commentaires émis devant les commissaires : « En Alberta, Laurendeau a rencontré un homme âgé qui lui a demandé ceci : « Je sais que vous employez le français à l'école, à l'église et en cour au Québec, mais vous parlez anglais à la maison, n'est-ce pas?

« [Les commissaires] ont entendu des Vancouvérois déplorer que le Québec fût « cinquante ans en retard sur le reste du monde », puis un inspecteur d'école régionale affirmer joyeusement que les familles francophones vivant à l'extérieur du Québec n'avaient aucun problème puisque leurs enfants s'assimilaient en quelques mois à peine. » Et, plus loin : « À Saskatoon, après une longue soirée de commentaires sur le Québec et le Canada français, Laurendeau a posé une question : « Mettons que les Canadiens français du Québec ont tort. Qu'allez-vous faire d'eux? Les tuer? » À quoi une personne d'origine doukhobor a répondu : « On devrait peut-être les disperser à travers le Canada. » Laurendeau a indiqué dans son journal que cette réponse avait provoqué une stupéfaction générale » (2006, pp. 69-70)

Bref, les réactions allaient « de l'ignorance naïve à l'hostilité ouverte ». Ce qui décrit assez bien l'esprit de Zéroville que je stigmatise dans ce blogue depuis un moment.

Cela dit, en dépit de l'hostilité de certains anglophones aux intentions manifestes de Laurendeau et Dunton, le Canada a bel et bien adopté de nombreuses recommandations de leurs rapports. Le Québec donnera-t-il suite, lui, aux recommandations de Bouchard et Taylor?

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