2008-04-10

 

Comtés pourris

Le Québec est plus anglais qu'il n'y paraît : il tient mordicus, semble-t-il, à ressusciter les rotten boroughs de l'Angleterre du XIXe siècle. Dans la plupart des cas, ces circonscriptions électorales britanniques n'avaient pas été modifiées depuis des siècles, de sorte qu'en 1831, certains arrondissements ne comptaient plus que sept électeurs. Est-ce bien ce qu'on veut au Québec lorsqu'on refuse de réviser la carte électorale afin d'éliminer les disparités dont j'ai déjà parlé et qui font que certains électeurs en région jouissent d'un poids démesuré? Le double de l'influence de certains électeurs de la couronne montréalaise...

La représentation des régions! Tel est le principe sacrosaint que le ministre Benoît Pelletier oppose à la représentation de la population, en lui accordant implicitement une même légitimité. Mais qu'est-ce qu'une région? La mer, la montagne, les champs, la toundra... Depuis quand les paysages ont-ils le droit d'être représentés dans une enceinte législative? À moins que ce ne soient les épinettes, les homards et les caribous qui détiennent un droit particulier à une représentation additionnelle?

Soyons sérieux. En démocratie, les régions, ce sont leurs habitants, et pas autre chose. (Imagine-t-on que les habitants des villes réclament un poids supplémentaire pour leurs musées, leurs théâtres et leurs grands restaurants?)

Du coup, si on ose poser la question, l'alternative factice montée par Pelletier s'écroule. Il n'y a pas deux principes qui s'opposent, il n'y en a qu'un seul, dont l'application pourrait exiger certains aménagements dans le cas des régions éloignées dont la population est dispersée sur de grandes étendues. Les écarts tolérés pour les circonscriptions rurales sont justifiées au nom de la difficulté ajoutée des déplacements dans ces circonstances. (Néanmoins, comme je l'ai déjà fait remarquer, un député moderne peut communiquer ou rencontrer ses commettants mille fois plus facilement qu'un député du XIXe siècle à la tête d'une circonscription moins peuplée et moins étendue. On a quand même inventé quelques gadgets utiles depuis 1867, dont le téléphone et la voiture, sans parler d'internet...)

En 1867, justement, la Grande-Bretagne abolissait le cadre législatif qui avait permis la survie des rotten boroughs. Il serait quand même ironique qu'on les ressuscite au Québec, cent quarante ans plus tard.

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