2007-08-24

 

L'île de Québec

En 2125, la montée des océans a réduit la grande ville de Vancouver à deux îles perdues au milieu d'une grande baie. Le même sort échoit à Halifax, qui survit tant bien que mal sur sa butte coupée de la terre ferme... Du moins, c'est ce qui pourrait arriver si on postule que le niveau des océans pourrait augmenter de 20 mètres d'ici cette date. Ce chiffre quelque peu arbitraire n'est pas entièrement dénué de fondement, puisque cet article (.PDF) de James Hansen rappelle qu'au milieu du Pliocène, le niveau des océans culminait à 25 mètres (± 10 m) au-dessus du niveau actuel. Dans un essai paru en 2005, Hansen citait une étude de Kienast et cie qui, en 2003, évaluait la montée des océans il y a 14 000 ans à 20 mètres en 400 ans. Les situations ne sont pas les mêmes, mais un tel chiffre révèle la vitesse potentielle de la fonte des glaces, une fois enclenchée. Nous sommes encore loin d'une telle allure, mais les observations récentes de la fonte des banquises au Groenland et en Antarctique permettent de croire que les choses commencent à bouger. S'arrêteront-elles de sitôt?

Une montée des océans de 20 mètres n'est pas physiquement impossible, car les glaces du globe renferment assez d'eau pour élever le niveau des océans d'environ 70 mètres, sans tenir compte du gonflement thermique du volume. Pour l'instant, le consensus scientifique du GIEC évalue à 0,5 m l'augmentation du niveau prévue pour 2100. Hansen est prudent, mais il s'est laissé aller à dire qu'une montée de 5 mètres serait plus proche de la réalité.

C'est facile de lancer des prédictions pour une date aussi lointaine, alors que nous serons tous morts, et l'accélération observée de la fonte des banquises, qui a surpris tout le monde, pourrait ralentir demain. Néanmoins, il existe des réalités parfaitement robustes, dont la disposition du terrain et les effets d'une montée des océans. Nous connaissons le relief des côtes canadiennes et nous pouvons examiner facilement les conséquences d'une montée des eaux. Après Vancouver et Halifax, prenons donc la ville de Québec.Le Canada est un pays continental et le centre de gravité de la population se trouve quelque part en Ontario, pas trop loin du Greater Golden Horseshoe. Parce que l'Océan Atlantique se trouve à des centaines de kilomètres de la ville de Québec, je soupçonne que, pour beaucoup de Canadiens, la montée des océans concernerait uniquement les provinces littorales, comme la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse. Mais c'est oublier la vallée du Saint-Laurent, cette splendide voie de pénétration à l'intérieur des terres qui a justement pour vertu de s'élever très progressivement au-dessus du niveau des océans. Du coup, une montée des eaux de 20 mètres aurait un effet dramatique à Québec.L'essentiel de la vieille-ville de Québec sur son cap survivrait, mais la vallée de la rivière Saint-Charles serait noyée. Le nouveau bras de mer (car il ne s'agirait plus d'un fleuve) élargirait un peu l'étendue liquide entre Québec et Lévis, mais l'envahissement des basses terres isolerait Québec et Sainte-Foy. En effet, le relief s'abaisse au sud du pont de Québec, comme on peut le voir sur cette carte.C'est ce qui permettait à Nazaire LeVasseur de prévoir un canal reliant la rivière Saint-Charles au Saint-Laurent, en passant par la trouée de la rivière du Cap-Rouge, comme on le voit sur l'illustration de sa nouvelle de 1896. En fait, il suffira d'attendre un siècle ou plus pour que cette liaison se fasse et transforme ce qui restera de la ville de Québec en île...

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