2007-07-16

 

Ode à l'astronomie

Vers le milieu du XIIIe siècle, un auteur appelé Gautier ou Gossuin de Metz livra une compilation en langue vulgaire d'écrits divers sur le monde connu. Cet ouvrage connu sous le titre d'Image du monde devait donner naissance à plusieurs versions supplémentaires, dont une version en prose, une traduction en anglais et une version enrichie en vers, parfois appelée Le Livre de clergie. Cette dernière version, appelée aussi la Mappemonde, est imprimée en 1517 sous le titre de Mirouer du monde. Ainsi, cet ouvrage relayait pour les lecteurs de la Renaissance le savoir médiéval, prolongeant l'influence des approximations et des légendes du Moyen Âge.

Pour conclure un passage qui décrit les merveilles produites par Virgile au moyen de l'astronomie, l'auteur présente le personnage, assez différent du poète romain, et lance un avertissement aux ignorants et aux sceptiques :

Subtil fut Virgille et bien saige
Et voult prouver tout le langaige
Des clergies de tout son pouvoir
Tant comme plus en peut savoir
Il fut de petite stature
Le col court ung peu par nature
Et alloit la teste baissant
Toujours en terre regardant
Maintes merveilles increables
Fist que les gens tenoient pour fables
Quant raconter ils les oyoient
Car penser ne croire pouvoient
Que tels choses se peussent faire
Pour ce qu'ils ignoroient l'affaire
Aucuns quant tels merveilles oyent
Et d'autres que aucunes fois voyent
Du riens n'entendent tantost dient
Comme gens qui de legier medient
Que tels euvres et tels fais
Sont part art de l'ennemy fais
Mais s'ils entendoient la maniere
Ils la trouveroient bien legiere
Et congnoistroient que par nature
Tels euvres peuvent prendre facture
Mais ce qu'ils n'entendent la chose
Leur en fait faire telle glose
Et mesprisent telle science
Dont ils n'ont point d'experience

L'auteur signe alors un éloge de l'astronomie que j'ai envie de retranscrire :

Qui bien astronomie sauroit
Il n'est riens qu'en ce monde soit
Dont on ne peut rendre raison
Et mainte chose en feroit-on
Qui seroit de grant importance
Tel pouvoir a cette science
Bien est vray que qui en vouldroit
Mal user faire le pourroit
Car il n'est si bonne science
Ni de si très-grande importance
Dont on ne peust bien abuser
Se mal on en vouloit user.
Dieu ne fist onques euvangille
Que a mauvais sens et inutille
On n'appliquast bien l'on vouloit
Car chose n'est si vraye soit
Que l'on ne peust bien topiquer
À mauvais sens et appliquer
Qui à ce travailler vouldroit
Mais verite l'en reprendroit
Maistrise n'est pas de mal faire
L'Homme se peut bien a mal traire
du a bien s'il en a vouloir
De l'un et l'autre a le pouvoir
Se bien fait, il ensuit la trace
de Dieu dont il acquiert la grace
Et se en icelle persevere
Exempt est d'infernal misere
La science n'a point de gens
Ennemys que les ignorans
Et n'est nulle art qui ne soit bonne
De savoir se l'Homme se y donne
Mais que chose envers Dieu ne face
Dont il en peust perdre la grace
L'on scet tout par astronomie
fors ce que Dieu ne permect mye
Et vault mieulx icelle savoir
Que autre qui ne tend que a l'avoir
Car qui bien savoir la pourroit
en terre auroit ce qu'il vouldroit
Et jamais ne lui fauldroit riens
Qu'il n'eust toujours beaucoup de biens

(J'ai légèrement modernisé la ponctuation ou la graphie de quelques vers.)

Il faut dire que l'astronomie recouvrait beaucoup de choses différentes à l'époque. On la confondait volontiers avec les mathématiques et le calcul en général, puisque l'astronomie était associée au calcul du calendrier et des fêtes, ainsi qu'à la navigation en mer. L'astronomie ne se distinguait guère non plus de l'astrologie, qu'il fallait savoir pour pratiquer la médecine — et pour dresser des horoscopes, livrer des pronostics médicaux et s'aventurer au besoin à prédire l'avenir... (D'où l'affirmation médiévale attribuée à Hippocrate au Moyen Âge selon laquelle : « non est medicus qui astronomiam ignorat ».)

Et qui connaissait assez de mathématiques pour faire des calculs astronomiques passait pour maîtriser la plupart des autres sciences...

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