2007-05-15

 

Le vent, le soleil et la nouvelle ruralité

Annot était autrefois une petite ville, comme le proclame le monument aux morts de la grand-place. Elle avait sa gare, ses hôtels, ses commerces, une église, une chapelle lieu de pélerinage et une route pour la relier au reste de la France. Maintenant, elle se définit comme un village et c'est peut-être la clé de sa renaissance. Il suffit de se promener pour compter au moins deux agences immobilières, qui offrent des appartements au village, des maisons et des chalets à des prix impressionnants. Relais essentiel pour les amateurs de sports d'hiver, Annot devient un lieu de villégiature l'été pour les amateurs de randonnées dans les bois à l'entour et sur les crêtes qui dominent le village, frisant parfois les mille mètres d'altitude ou les dépassant un peu plus loin.

Elle a toujours sa gare, même si les trains ne sont pas nombreux et semblent surtout fréquentés par les écoliers et les vacanciers. Elle a ses petites industries et ses services. Elle a un marché hebdomadaire, offrant fromages et saucissons du pays, primeurs, vêtements, etc. — ainsi que ce qui est sans doute le principal supermarché de la région. Elle a un vieux quartier médiéval qui remonte au moins au XIe siècle et qui compte des vestiges de 1382, date de la construction d'une enceinte fortifiée (la photo ci-contre montre certaines des rues pavées ou voûtées, et des maisons de pierres d'époque), un groupe scolaire, un collège et une bibliothèque. Et elle a une masse critique d'hôtels et de restaurants, assurant au voyageur de passage un minimum de choix si jamais l'un d'eux est complet ou fermé pour un congé quelconque. L'ensemble de ces attraits et de ces ressources est en soi une masse critique qui attire de nouveaux habitants qui éviteront peut-être à l'ancienne ville de connaître le sort des villages qu'on abandonne et qu'on ferme, comme Peyresq...

Quant aux balades dans le coin, j'en ai fait deux. La (petite) boucle des Grès permet de découvrir des formations rocheuses impressionnantes. Passage couvert sous un pan de roc incliné, dit la Chambre du Roi. Défilé encaissé entre blocs rocheux immenses, dit le Jardin du Roi. Et passage sous une arche vertigineuse, dite les Portettes. En chemin, on suit aussi une corniche au bord d'un précipice et on peut gravir un vaste pan de roc nu pour jouir d'un point de vue imprenable sur les vallées voisines. Le grès qui a souvent servi à construire les maisons du vieil Annot est une pierre sédimentaire à laquelle l'érosion donne des formes tourmentées. Parfois, l'érosion semble se traduire par une dé-sédimentation, car on croise dans la montagne des zones sablonneuses et il suffit souvent de se pencher pour ramasser des morceaux de pierre où on distingue aisément les grains de sable du limon préhistorique et les cailloux roulés par des torrents taris avant l'apparition des humains sur Terre. Selon les documents touristiques, cette barre rocheuse qui domine la vallée aurait été habitée par des peuplades celto-ligures. Le Jardin du Roi leur a-t-il servi de refuge? Un oppidum se dressait-il encore plus haut, sur la crête que je n'ai pas arpentée?

Comme c'était une journée venteuse dans le sud, il ne faisait pas si chaud, malgré le soleil et le ciel dégagé, mais c'était le temps idéal pour monter dans les collines. En fin d'après-midi, j'ai gravi le versant opposé pour monter jusqu'à la source de Combe Renard. La promenade aboutit à une route forestière qui dissipe largement l'illusion d'une nature sauvage. Je préfère conserver le souvenir de cet arbre mort croisé sous les grès d'Annot, aux branches semblables aux côtes de quelque bête préhistorique...

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