2007-05-13

 

La langue des symboles

Livre du jour : Trois pépins du fruit des morts, de Mélanie Fazi

Musée du jour : Musée des Beaux-Arts

Découverte du jour : Gustav-Adolf Mossa

Journée d'un marche d'un bout à l'autre de Nice, du boulevard de la Madeleine au Mont-Boron. Les contrastes sont marqués, des villas perchées sur les flancs du Mont-Boron aux immeubles serrés de La Madeleine, en passant par les palaces de la promenade des Anglais. En suivant le viaduc, j'aboutis dans le quartier où j'avais été logé lors d'une université d'été en 2003. Le Musée des Beaux-Arts a pignon sur cette rue tournante, dans un quartier résidentiel discret et cossu, ce qui ne doit pas surprendre puisque c'est l'ancienne Villa Kotchoubey de la princesse ukrainienne du même nom qui héberge les collections municipales. L'édifice est luxueux : parquets de bois, escalier d'apparat, salle de réception surplombée par des balcons pour accueillir des musiciens engagés pour jouer sans être vus... Ce souvenir de la prospère colonie russe à Nice abrite maintenant des œuvres du lieu et d'ailleurs. Du coup, on y retrouve sans surprise des toiles de Marie Bashkirtseff, mais aussi des portraits de la célèbre autrice et artiste de la Côte d'Azur. On la voit en peinture ci-contre, à droite, tandis qu'elle est représentée en sculpture ci-dessous. Le roman de Fazi joue de manière inattendue avec les allégories et les attentes de ses lecteurs. On peut en dire autant de certaines des toiles exposées au musée. Je reparlerai des tableaux orientalistes, dont l'original de La Servante de harem de Paul-Désiré Trouillebert, que je connaissais déjà par le livre Odyssey: Mirror of the Mediterranean du photographe canadien Roloff Beny (et d'Anthony Thwaite), car j'ai surtout apprécié ma découverte des toiles d'une autre gloire locale, Gustav-Adolf Mossa. Simple décadent influencé par les symbolistes selon les mauvaises langues, il n'en est pas moins talentueux. La symbolique de ses compositions est très riche, et il n'hésite pas à nous surprendre, d'une manière qui me semble très évidente, peut-être parce que les fins de siècle se ressemblent et se répondent. Certes, il ne crée pas seulement à la fin du XIXe siècle, car il signe aussi des toiles du début du XXe siècle (avant de devenir un notable et de cesser de peindre dans cette veine). À droite, La Sirène repue est de 1905 et contraste la splendeur de la créature mythologique et la noirceur de ses œuvres, dont on ne compte plus les victimes. De fait, ce sont souvent des personnages féminins qui servent de sujets à Mossa, mais ce sont loin d'être de faibles femmes, au contraire. On lui a parfois reproché sa misogynie. Que penser, en effet, d'une toile comme Elle (1906), que je reproduis ci-dessous?Dans ses cheveux, une inscription proclame « Hoc volo sic jubeo sit pro ratione voluntas », ce qui est tiré des Satires de Juvénal et pourrait se traduire ainsi : « Je le veux, je l'ordonne, que ma volonté serve de raison ». Dans cette sixième Satire, Juvénal s'en prend aux caprices des femmes; cet extrait est placé dans la bouche d'une femme qui réclame de son mari qu'il crucifie un esclave pour la seule raison qu'elle le réclame... Mais Mossa s'en prend-il vraiment aux femmes, ou s'agit-il... d'un symbole de l'arbitraire des humains en général? Il faudrait analyser la toile de près, tout comme il faut lire Mélanie Fazi de près pour décider si elle signe une allégorie ou un simple récit fantastique. Enfin, si j'ai parlé de résonnances que je trouve dans les toiles de Mossa, c'est en partie parce qu'il a aussi donné le tableau ci-dessous, qui me rappelle la nouvelle « Le pierrot diffracté » de Laurent McAllister...

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