2007-04-14

 

Archéologie urbaine

Descendu à Québec pour le Salon du livre, comme presque chaque année, j'en profite toujours pour faire un peu de tourisme. (J'ai failli y croiser Hugues, tiens.) Comme on le voit dans la photo ci-contre, tout se rencontre sur une superficie parfois étonnamment restreinte : remparts des époques coloniales, gare néo-gothique du quartier Saint-Roch (dite gare du Palais, pour rappeler l'ancien palais de l'Intendant du régime français qui se trouvait à proximité), immeubles modernes bourrés de bureaux, établissements industriels... Même s'il s'agit de la capitale de la province et d'une ville où on travaille fort — à faire travailler les autres, c'est avant tout pour moi une destination associée aux vacances et aux souvenirs. Autrefois, nous y venions en famille pour visiter une parente de mon père qui appartenait à l'ordre des Ursulines et qui avait sa chambre au couvent des Ursulines dans le Vieux-Québec. Si, pour moi, un parloir évoque quelque chose de bien précis quand je lis des ouvrages historiques, c'est bien parce que chaque visite débutait par l'attente dans ce parloir vénérable aux parquets cirés et aux lambris ornés de toiles anciennes.

Aujourd'hui encore, j'aime fréquenter le Vieux-Québec. À tous les coins de rue, il y a des souvenirs de l'ancien temps. Pas meilleur certes, mais étranger, et pourtant fondateur de ce que nous sommes. Si nous aimons tant le passé, parfois, je ne crois pas que ce soit nécessairement par nostalgie. Personne de sensé ne va croire que la vie était plus facile ou confortable au temps des cheminées, des sangsues et des portages. En revanche, les vestiges du passé prouvent que nous ne vivons pas en vain, qu'il est possible de construire pour l'avenir et pour nos descendants, même si ceux-ci ne partageront pas toujours les valeurs de leurs ancêtres. Si on s'arrête pour contempler cette chapelle utilisée depuis le début du XIXe siècle par une congrégation fondée au XVIIe siècle par les Jésuites, on peut se dire sans doute qu'elle témoigne d'une foi quasiment disparue, malgré le retour en force de certaines valeurs traditionnelles, ou du moins d'une foi profondément altérée pour ne plus ressortir que du domaine privé ou familial.

Mais sa conservation, tout comme celle de l'ensemble de l'arrondissement historique, est aussi une marque de reconnaissance des efforts de nos prédécesseurs. Reconnaissance dans le sens de gratitude, mais reconnaissance aussi dans le sens de commémoration. On peut même en voir une preuve dans les tentatives de conservation les plus mal engagées. Depuis des années, par exemple, l'ancienne église Saint-Vincent-de-Paul est en cours de reconversion, comme plusieurs autres églises désaffectées de la province. Il subsiste de celle-ci, qui dominait le quartier Saint-Roch, une façade conservée pour la forme, et consolidée avec des poutres de soutènement visibles dans cette photo. Mais le projet de construction n'aboutit pas, ou plutôt n'a pas encore fini de commencer... C'est ce qui permet toutefois au visiteur de faire un peu d'archéologie urbaine et de découvrir à quoi ressemblait la structure d'origine, la structure cachée par les aménagements extérieurs avant la démolition de tout le reste. La façade de pierre, avec ses petits airs de château médiéval, cache bien son jeu, car la photo de l'envers révèle une superposition de matériaux de construction et de techniques, de l'arche romaine du sous-sol aux cloisons de briques en passant par les charpentes des planchers ou des cadres de porte. Si on pousse encore plus loin l'allégorie, on y verra un symbole de ce passé qui a fière allure vu de loin ou de l'extérieur, mais dont l'édifice a été une succession de luttes et de misères...

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