2007-02-27

 

Plus dangereux qu'un kirpan

Qui? Asmahan Mansour, 11 ans

Quoi? Durant un tournoi de soccer réunissant des équipes de jeunes filles du Québec et de l'Ontario, un arbitre ordonne à Asmahan de retirer son hijab sous peine d'expulsion; comme elle refuse, son équipe se retire du tournoi et quatre autres équipes ontariennes aussi en signe de solidarité.

Quand? Le samedi 24 février 2007

Où? À Laval...

Pourquoi? C'est ici que ça devient intéressant. Officiellement, c'était au nom de la sécurité des joueuses, parce que le foulard aurait pu étrangler par mégarde la jeune Mansoor.

Pourtant, deux arbitres avaient déjà laissé passer ce dangereux accessoire (et les bandeaux de tête de certaines joueuses). Pour trouver l'équivalent d'une telle exclusion, il semble qu'il faille aller jusqu'en Australie. Ailleurs au Canada, les jeunes joueuses portent occasionnellement le hijab sans se faire expulser. Et la FIFA ne s'opposerait pas formellement au port du hijab dans certains pays musulmans, en partant du principe qu'il vaut mieux que les filles jouent, au prix d'un léger accroc au code vestimentaire. Les forcer à rester à la maison n'est pas la solution la plus intelligente.

Bref, la décision semble typique de la difficulté québécoise à s'ouvrir aux autres cultures. La tolérance, oui, passe encore : on ne se soucie pas trop de ce que font les autres dans leur coin. Mais s'ils s'affirment en public, c'est pratiquement vécu comme une agression. Et si cela heurte les nouvelles orthodoxies, gare! Les Québécois de toutes origines (l'arbitre en question étant musulman) défendront volontiers certaines valeurs avec le zèle des nouveaux convertis. La dernière province à donner le droit de vote aux femmes est maintenant sur la brèche quand il s'agit de proscrire la lapidation des femmes. La province encore dominée par le cléricalisme catholique à l'aube des années 1960 est aujourd'hui la plus opposée à certaines immixtions de la religion dans la sphère publique (sauf quand il s'agit du crucifix à l'Assemblée nationale).

C'est évidemment louable, mais trop de féminisme ne tue-t-il pas le féminisme? Est-ce si progressiste de renvoyer dans les gradins ou à la maison les filles portant le hijab? Est-ce bien la meilleure façon d'encourager l'intégration?

Il n'y a qu'au Québec qu'on réponde oui et il entre dans cette réaction une peur clairement perceptible dans l'amplification d'une poignée d'incidents. À en croire certains, seule la charte de Zéroville pourrait empêcher des hordes étrangères de faire disparaître du Québec alcool, crucifix et sapins de Noël. (Comme si c'était le plus important...)

Au contraire, moi, je suis porté à croire qu'à la longue, il est moins tentant de porter le foulard ou le voile quand on sait qu'on en a la possibilité et qu'il ne signifie rien de plus que son adhésion à un code d'origine médiévale, que lorsque le porter devient un signe de rejet d'un modèle de société, voire de défi des normes et de défi d'autorités clairement injustes ou excessives. Mais il faudrait savoir quelles valeurs on défend, et ne pas confondre féminisme et liberté de culte, par exemple, ou liberté de culte et censure, dans l'autre sens.

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