2007-02-19

 

La hiérarchie des prix

Quelle est la valeur d'un prix littéraire? Si on fait abstraction de la bourse qui accompagne (parfois) un prix, ce n'est pas si facile de le savoir. Les retombées postérieures ne seront pas toujours associées à la remise d'un prix si elles se font attendre. Sans nier les avantages moins tangibles, dont la satisfaction d'amour-propre, il faut sans doute s'intéresser au retentissement des prix.

Mais comment l'évaluer? Les bases de données qui prétendent recenser le contenu des journaux sur le long terme sont lacunaires. Et que vaut l'annonce de la remise d'un prix dans un journal lu par quelques dizaines de milliers de personnes, puis oublié le lendemain? De plus, ce ne sont souvent pas les mêmes bases qui contiennent les journaux et les revues ou périodiques culturels qui seraient plus susceptibles de parler de prix littéraires, en supposant même que ces périodiques aient été numérisés. Mieux vaut donc se tourner vers un support plus durables et plus universel : internet.

Le palmarès Google donne les résultats suivants pour les prix de la SFCF :

« Prix Aurora », « science-fiction » : 9 110 mentions
« Prix Boréal », « science-fiction » : 771 mentions
« Prix Solaris », « science-fiction » : 510 mentions
« Grand Prix de la Science-Fiction et du Fantastique québécois » : 431 mentions
« Prix Dagon », « science-fiction » : 226 mentions
« Prix Septième Continent » : 192 mentions

Comme une recherche avec « Prix Dagon », « Prix Solaris » et « science-fiction » obtient 145 mentions, on peut évaluer le nombre de mentions distinctes obtenues par le Prix Dagon/Solaris à 591 au total.

Comme il faut ajouter le mot-clé « science-fiction » dans le cas des Prix Aurora, Boréal, Dagon et Solaris pour minimiser les risques de confusion avec des prix du même nom (et les génératrices de sites de vente), les résultats obtenus dans ces trois cas sous-estiment probablement le nombre de mentions obtenues par Google. Comme on le sait, Google est loin de recenser l'ensemble de ce qui est accessible par internet, mais quand le nombre de résultats dépasse la centaine, je crois qu'on peut raisonnablement dire que les chiffres sont représentatifs, de sorte que l'ordre du classement des prix de la SFCF est sans doute correct.

Ce classement peut sembler paradoxal. Le milieu de la SFCF tient le Grand Prix comme le plus prestigieux des prix disponibles; pourtant, il arrive ici en quatrième place.

Certes, la première place des Prix Aurora s'explique par le fait qu'ils ont un volet anglophone, de sorte que la Toile encore dominée par l'anglais répercute beaucoup plus volontiers les informations liées à des créateurs anglophones. Dans les autres cas, l'hypothèse qui se présente rapidement, c'est que ces résultats sont une fonction du nombre de lauréats distincts, puisque ceux-ci seront amenés à faire état des prix qu'ils ont remporté dans plusieurs circonstances propices au transfert en-ligne de l'information.

Mais est-ce le cas? Heureusement, il est assez facile de réunir les chiffres requis.

Depuis 1977, les Prix Solaris (anciennement Dagon) ont récompensé, dans la seule catégorie de la création littéraire, vingt-deux auteurs différents, soit 23 personnes en tout. Si on inclut aussi la catégorie de la bande dessinée, ce sont 38 personnes distinctes qui ont obtenu au moins un Prix Solaris.

Depuis 1980, les Prix Boréal ont récompensé, dans les seules catégories du livre, de la nouvelle et de la production critique, trente-quatre auteurs différents, soit 33 personnes en tout. Si on inclut aussi les autres catégories, ce sont 52 personnes distinctes qui ont obtenu au moins un Prix Boréal.

Depuis 1980, les Prix Aurora (anciennement Casper) ont récompensé, dans les seules catégories professionnelles francophones, vingt-deux personnes. En fait, la première catégorie distincte pour les francophones ne datant que de 1986, il n'y a pas de lauréat francophone avant cette date.

Depuis 1984, le Grand Prix de la Science-Fiction et du Fantastique québécois a récompensé dix-sept auteurs différents, soit 18 personnes en tout. Ceci inclut les deux récipiendaires du prix pour la nouvelle, mais il exclut le lauréat du prix jeunesse que je n'ai pas trouvé sur le site officiel. L'âge moyen des récipiendaires est de 41 ans. Éric Gauthier détient le record de la jeunesse et Élisabeth Vonarburg celui de l'âge. Au moins cinq des récipiendaires sont nés en France ou de parent(s) français.

On peut alors calculer deux séries de rapports. La première série donnera le nombre de mentions sur internet rapporté au nombre de personnes ayant remporté au moins un prix. La seconde donnera le nombre de mentions sur internet rapporté au nombre d'écrivains (ou d'écrivants) ayant remporté au moins un des prix d'écriture. Cela donne le tableau ci-dessous.


Les résultats sont parlants. Les chiffres affichés dans la première colonne varient beaucoup en raison de l'inclusion des lauréats dans les catégories non-littéraires des Prix Boréal et Solaris. En revanche, exception faite des Prix Aurora, les résultats se ressemblent énormément dans la seconde colonne (les différences ne sont probablement pas significatives). On peut supposer que les auteurs sont bien plus systématiquement portés à faire état de ces prix que les autres récipiendaires et qu'ils dominent donc les variations du classement.

Ainsi, les écrivants (auteurs, directeurs littéraires et critiques compris) paraissent revendiquer chacun des prix dans les mêmes proportions, à très peu de chose près, et les principales différences tiennent au nombre différent de récipiendaires de chaque prix.

Et quelle est la valeur d'un prix littéraire dans le milieu de la SFCF? Eh bien, non sans surprise, je constate que le Prix Solaris a le meilleur retentissement, mais cela tient à si peu qu'il serait plus juste de dire que les trois prix québécois ont le même retentissement.

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