2006-12-21

 

Encore l'Afghanistan

Dans la politique fédérale canadienne, le problème de la participation canadienne à la mission de l'OTAN prend de plus en plus d'importance. Pour une fois, diront certains, que le gouvernement fédéral passe un peu de temps sur quelque chose qui relève de sa compétence...

J'ai déjà évoqué le sujet à quelques reprises. Plus récemment, l'échec de la conférence de l'OTAN (un point de vue afghan, parmi d'autres) ou le retrait des forces spéciales françaises soulève la question de la nature de l'alliance. Le point de vue européen défendu par Jacques Chirac et la France, c'est que l'OTAN n'a pas vocation à devenir un gendarme global ou à jouer un rôle autre que militaire.

Mais soyons clairs : quand l'Élysée pointe « le risque de voir l'Alliance impliquée dans des conflits extérieurs au cadre euro-atlantique », cela voudrait dire en pratique que l'OTAN servirait les seuls intérêts de l'Europe. Exception faite de contributions ponctuelles après le 11 septembre, l'OTAN n'a jamais eu à intervenir en Amérique du Nord. Or, les Européens auraient intérêt à comprendre que le pôle nord-américain risque de se lasser, à la longue, d'être toujours au service de l'Europe sans jamais être payé de retour. Le Canada, pour ne parler que de lui, a envoyé ses hommes et ses femmes mourir en Europe trois fois dans le courant du vingtième siècle, de Sarajevo (1914) à Sarajevo (1992). Maintenant que les troupes canadiennes tombent au combat en Afghanistan, le refus de la plupart des contingents européens de risquer leurs soldats de la même manière est mal vu. Politiquement, cette absence de réciprocité pourrait rejeter le Canada, contre le gré d'une majorité de la population, dans le camp des États-Unis.

Non que les États-Unis soient moins intransigeants que les Européens. Ils dictent une stratégie en Afghanistan qui n'est pas clairement la meilleure et ils refusent d'en déroger.

Il me semble que le Canada se pose trois questions qui sont rarement énoncées explicitement, mais qui peuvent s'articuler ainsi :

D'abord, le gouvernement canadien voudrait-il entériner de nouvelles tactiques ou stratégies en Afghanistan? Certains éléments de l'opposition, à commencer par Stéphane Dion, serait en faveur d'une révision du mandat canadien, dans le sens des idées du Senlis Council au besoin. Il faut bien comprendre toutefois que le Canada ne pourrait pas adopter sa propre ligne de conduite en Afghanistan sans coordonner ses faits et gestes avec ses alliés. Ou du moins, admettons que sa latitude pour ce faire serait limitée.

Ensuite, si le Canada voulait adopter de nouvelles tactiques ou stratégies, l'OTAN — à commencer par les États-Unis — accepterait-il d'écouter les suggestions canadiennes? Le Canada est en train de payer le prix fort en Afghanistan. Un refus d'écouter de la part de l'OTAN serait un nouveau camouflet pour le Canada dans le cadre de l'Alliance dont il est un des membres fondateurs.

Enfin, il reste à savoir si l'alliance, à défaut d'écouter le Canada réclamant éventuellement un changement de stratégie ou de tactiques, consentira à partager plus équitablement l'effort de guerre. Ce serait la moindre des choses pour une véritable alliance, mais elle a fait la sourde oreille à Riga. Les Européens ont-ils bien compris qu'il s'agit d'une alliance, et non d'une police d'assurance qu'ils ont contracté pour éviter de retomber dans les luttes intestines qui ont ravagé leur continent au courant du siècle dernier? Et même quand on contracte une police d'assurance, il faut bien payer les primes...

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